Nous vivons dans un monde où la compétition règne, mais nous ne voulons surtout pas que celle-ci risque de traumatiser nos enfants. Si bien que nos ministres envisagent de supprimer les notes. Pourtant, Vincent Peillon était contre la suppression des notes, mais Benoît Hamon pose la question différemment.
Si l’on compare les bulletins traditionnels d’il y a quelques décennies aux livrets de compétences actuels, on a vraiment l’impression de vivre dans deux mondes différents. Cette volonté de ne pas vouloir traumatiser rend souvent illisible la lecture des items. Un exemple, parmi tant d’autres, « Inférer des informations nouvelles (implicites) » est-il intelligible pour tous les parents, comme le fait de savoir que « la compétence X est validée au palier Y ».
On a déjà remplacé les notes par des niveaux. Pour quel résultat ! Un enfant qui se verra attribuer un niveau D ou un O ne sera pas meilleur pour autant et se rendra bien compte qu’il est en difficulté. A une certaine époque, nous connaissions les bulletins trimestriels et distributions de prix, si bien que les meilleurs étaient récompensés et les plus faibles pouvaient se sentir frustrés. Mais supprimer ne transformera pas ces différences de niveaux. De toute manière, il faudra toujours classer, et faire une moyenne de A, de B, de C et de D ou de « acquis », « non acquis » ou « en cours d’acquisition » le contraire semble improbable. Les professeurs ne sont-ils toujours pas, eux-mêmes, notés par leur hiérarchie pour leur permettre un meilleur avancement ou un meilleur choix de mutation ?
Sans notes toujours, comment faire une sélection lors des concours, sauf bien sûr si le nombre de candidats était inférieur au nombre de postes à pourvoir. Dans ce cas, il serait peut-être intéressant de se projeter un peu plus vers l’avenir et de prévoir les formations adaptées aujourd’hui pour les métiers de demain, même ceux qui n’existent pas encore. Mais, là encore, il faudra bien faire une sélection en amont. Anciennement, tous les élèves n’allaient pas au collège, tous ne poursuivaient pas des études universitaires (mais le taux d’échec était inférieur à celui que l’on connait en première année aujourd’hui). Pourquoi vouloir à tout prix obtenir une réussite de 80% et plus au bac, pourquoi ne pas plutôt favoriser l’apprentissage pour des voies qui sont bien plus porteuses d’emploi.
Pour revenir aux pauvres enfants traumatisés, on a tous connus les « corvées », comme l’élève qui était chargé d’effacer le tableau, de s’occuper des rideaux, ou êtait responsable de la craie… On y apprenait discipline et respect, ce respect trop souvent bafoué. Mais tout ceci n’est malheureusement plus à l’ordre du jour. Sans vouloir réintroduire la petite phrase de morale au tableau, qui aujourd’hui fait effectivement partie d’un autre âge, cette morale devrait être pratiquée (et non enseignée) à condition toutefois qu’elle soit relayée dans les familles. Il faudrait également qu’une confiance réciproque se développe entre parents et enseignants.
Dernière remarque sur les notes. Quelle valeur peut-on encore leur accorder ? Peut-on obtenir un nombre supérieur à 20 dans une notation sur 20 ? Ainsi avec un barème étalonné sur 20, comment expliquer certaines notes obtenues au bac, supérieures à ce seuil de 20 ? Même s’il est surprenant que certaines consignes demandent aux correcteurs de noter certaines matières sur 24, ou d’avoir une certaine bienveillance ! On peut alors remarquer que la meilleure réussite au bac cette année est une note de 21,03. On peut considérer que cette élève soit douée, ainsi que tous ceux qui vont dépasser cette année encore les 20/20. Dans les matières scientifiques, il est sans doute facile d’attribuer la note maximale, on peut être beaucoup plus réservés en ce qui concerne la littérature ou la philosophie.
Quand on obtient un 20, on peut dire que c’est parfait, alors avec une note supérieure à 20, c’est plus que parfait. Pourtant, le plus-que-parfait c’est du passé et devrait être logiquement irréalisable. Alors quel est l’avenir des notes ?