Quel est ce nouvel effet d’annonce ? Pour quel usage et quel avenir ? N’oublions pas qu’un des objectifs du gouvernement était de faire entrer l’école dans l’ère du numérique. Mais il semblerait qu’on se contente de former les élèves pour en faire de bons utilisateurs, et non pas des gens qui réfléchissent et agissent au niveau de l’informatique.
Une nouvelle fois, la France veut prendre le train en marche mais avec un sérieux retard sur d’autres pays de l’OCDE, tels la Finlande, le Royaume-Uni ou l’Estonie (voir l’article : Informatique : codage et programmation à l’école primaire).
Facultatif et sélectif
La priorité de l’Education nationale porte « sur les apprentissages fondamentaux » mais « l’école ne peut ignorer l’importance du numérique qui intervient aujourd’hui dans toutes les disciplines », selon Benoît Hamon. Il existe bien le B2i actuellement, mais qui se contente de préparer de bons utilisateurs.
Si l’informatique semble si importante pour notre ministre de l’Education, pourquoi alors proposer cette formation déconnectée du parcours scolaire classique. C’est ainsi que, dès septembre 2014, une initiation au code informatique sera proposée à l’école primaire. Ne nous réjouissons pas trop vite, les limites sont grandes. Cette initiation ne sera pas enseignée pendant le temps scolaire, mais lors des activités périscolaires. De plus la participation des élèves sera facultative.
Qui peut encore parler d’égalité des chances, ou d’une école de la République identique pour tous ?
Ajoutons d’autres contraintes. Il faut trouver des animateurs capables d’enseigner ce code, et le recrutement risque d’être difficile. Enfin, n’oublions pas les problèmes matériels. Outre les conventions à mettre en place entre les écoles, les communes et les associations, il faut aussi des connexions internet de qualité. Le haut débit est loin d’être présent partout. Que penser de l’objectif fixé par le gouvernement qui voudrait que 70% des élèves disposent de tablettes numériques d’ici à 2020 ?
On reste perplexe quand on se souvient de l’époque où nous commencions à équiper nos écoles avec des télévisions noir et blanc alors que les foyers des élèves disposaient déjà de téléviseurs couleurs. L’école n’est sans doute plus la vitrine du savoir, mais elle se doit de ne pas être en retard sur son époque. L’école ne forme-t-elle pas les citoyens de demain ? Ne devrait-elle pas les préparer aux métiers de demain, et à ceux qui n’existent pas encore ?
Alors, pourquoi avoir délégué au périscolaire ce qui faisait partie des savoirs de base, selon les anciens dire de Benoît Hamon ?
Quel avenir et à quel coût ?
Apprendre à coder est important (voir l’article : Apprendre à coder doit se faire dès que possible), mais quel code apprendre. Nous entendions parler d’un apprentissage du code HTML. Mais qui l’utilise encore régulièrement ? Aujourd’hui, même créer un site web ne nécessite quasiment plus de connaissances de base informatiques. Il suffit d’utiliser des modules tout prêts. Qui met encore les mains dans le cambouis à part quelques bidouilleurs ? C’est sans doute regrettable, et en cas de plantage il est bien indispensable de comprendre ce que l’on fait. On espère que l’enseignement ne portera pas sur des langages dépassés, même s’ils ont fait leurs preuves, tels le logo, le basic ou à l’assembleur.
On peut regretter enfin que cette annonce de réforme soit faite mi-juillet, pendant les vacances, avec toutes les contraintes de mise en place pour la rentrée.
Enfin, en déléguant la formation de l’espace scolaire à l’espace périscolaire, qui va payer la facture ? Ce ne sera plus l’éducation nationale, mais les communes et les associations ? On peut craindre alors que cela ne devienne qu’un atelier parmi d’autres (danse, échecs, dessin…)
Le but, semble-t-il, est de prolonger cette initiation par un enseignement dans le secondaire ? Hormis la recherche de professeurs compétents, ce qui doit être possible, se pose la question du suivi. Les élèves issus du primaire n’auront pas tous le même bagage puisque seuls certains auront participé à des activités facultatives. On peut présupposer, que comme l’enseignement des langues auparavant, on ne tienne pas compte des années primaires en recommençant à zéro dès la sixième !
Cette initiative de l’apprentissage du code informatique va dans le bon sens, mais risque malheureusement d’avorter rapidement, faute de moyens et de suivis.