Est-ce la réforme ou la ministre de l’Education que l’on attaque ? Sans doute les deux.
Selon Florian Philippot, Najat Vallaud-Belkacem est la pire ministre de l’Education nationale de ces dernières décennies. Selon Nicolas Sarkozy, la réforme défendue par Najat Vallaud-Belkacem est « désastreuse pour notre République ». A quoi la ministre répond que Nicolas Sarkozy et l’UMP n’ont aucune leçon à lui donner. S’ensuit la réponse du premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis qui s’en prend à Nicolas Sarkozy et le qualifie de « xénophobe ». Ajoutons Manuel Valls qui défend sa ministre en la gratifiant d’être la meilleure ministre de l’Education nationale : « Il y a de grands ministres de l’Education nationale. Et j’ai une conviction profonde. Najat Vallaud-Belkacem sera l’un de ces grands ministres ». Le dernier épisode appartient au président lui-même, François Hollande, qui a chargé le porte-parole du gouvernement d’annoncer que l’ensemble du gouvernement doit soutenir la réforme du collège.
Bonne ou mauvaise ministre, bonne ou mauvaise réforme, peu importe (ou presque), on a l’impression de se trouver dans la cour d’une école maternelle. Normal, direz-vous, puisque l’on parle d’éducation. Mais il devient fort difficile aujourd’hui de démêler le vrai du faux dans ces querelles partisanes. A tel point que ce sont des annonces suivies de démentis ou de nouvelles annonces de modifications.
Une annonce avait été faite concernant la réduction de l’enseignement de l’allemand. La ministre s’est empressée de rectifier le tir en annonçant, au contraire, des augmentations d’effectifs.
Aujourd’hui, le latin et le grec reviennent sur le devant de la scène. Najat Vallaud-Belkacem demande au Conseil supérieur des programmes de réfléchir sur les langues et cultures de l’antiquité.
Rappelons qu’auparavant une autre demande avait été faite pour améliorer la lisibilité des programmes.
Les programmes sont à réformer, sans doute, mais on est désolé de constater que ces annonces, contre-annonces et réactions font vraiment désordre, comme si la réflexion n’intervenait qu’après la rédaction. Ne met-on pas la charrue avant les bœufs ou ce flou est-il volontaire ?A se focaliser sur des détails, on finit par en oublier les vraies réalités et les vrais enjeux.
Le rapport Delahaye
Jean-Paul Delahaye, ancien directeur de l’enseignement et ancien conseiller de Vincent Peillon, a transmis son rapport « Grande pauvreté et réussite scolaire ». Pour lui, il faut ouvrir l’école aux familles populaires « Osons être inégalitaires en moyens pour être égalitaires en réussite et, au fatalisme, préférons la solidarité pour une école inclusive et la réussite de tous les élèves ». En France, ce sont 1,2 million d’élèves qui vivent dans des familles dont le revenu ne dépasse pas 60% du salaire médian. L’idée maîtresse du rapport, en 66 préconisations, fixe un cadre pour que l’école française réussisse à intégrer ses pauvres.
Quel avenir peut-on envisager, ne serait-ce pas un rapport de plus qui sera classé sans suite, ou presque. La réponse de la ministre de l’Education nationale montre bien le décalage entre les idées et la réalité. C’est ainsi qu’elle rappelle qu’il faut tenir compte des réalités budgétaires, mais aussi de l’état de l’opinion, des lourdeurs de la machine et de l’énergie ministérielle. Les mesures immédiates risquent donc d’être très limitées et les fonds progresseront « en fonction de l’évolution du contexte budgétaire ». Même si l’éducation prioritaire reste prioritaire (!), on ne parle que du soutien aux Rased, sans aucune précision, et de l’accueil des moins de 3 ans en Rep+.
La ministre de l’Education nationale n’a pas fini d’être attaquée, et les quelques soutiens dont elle dispose lui seront sans doute utiles.