Le redoublement est-il ou non une mesure efficace pour assurer la réussite de tous les élèves ? Les enseignants y sont assez favorables, mais pas le Ministère de l’éducation. En effet, Vincent Peillon souhaite que le nombre de redoublements soit divisé par deux. Pour quel motif ? Est-ce qu’il juge que c’est un moyen inefficace et coûteux ? Ou est-ce pour se rapprocher de la moyenne des pays de l’OCDE ?
Le constat
Actuellement, le redoublement, en France, concerne 28% des moins de 15 ans qui ont redoublé au moins une fois. On est loin de la moyenne des pays de l’OCDE qui se situe à 12%. Même si c’est mieux qu’en 2009 où le taux était alors de 38%, c’est loin d’être l’apogée. Moins de redoublements, sans doute, mais on observe dans le même temps un recul dans les classements Pisa. Alors, quelle serait la bonne mesure à adopter.
De plus le redoublement représente un coût non négligeable. Il serait évalué à 8.000 € pour une année de collège et 10.500 € pour une année de lycée.
Deux grandes orientations selon les pays
On trouve d’un côté les pays d’Europe de l’Ouest qui agissent comme la France, tels la Belgique, le Luxembourg, l’Espagne et le Portugal qui estiment qu’une année supplémentaire est bénéfique aux apprentissages.
D’un autre côté, le redoublement est inexistant au Japon ou en Corée. Il est très limité dans les pays scandinaves. Et pourtant ces pays sont ceux qui ont les meilleurs résultats dans le classement Pisa ! Alors comment font-ils ? Le système adopté par les pays asiatiques est le recours aux cours privés après l’école, alors qu’en Finlande, on privilégie le soutien en interne. On peut avoir recours à d’autres moyens, tel le suivi individualisé selon le rythme propre des élèves qui est adopté au Canada.
Redoublement réduit = meilleures performances ?
Moins de redoublement serait bon économiquement
La suppression du redoublement serait une bonne chose selon les enquêtes internationales, ou selon la Cour des comptes. On peut estimer que cela représenterait une économie annuelle de 2 milliards d’euros. Mais actuellement quelles seraient les chances de réussite des élèves en difficulté si, pour réaliser cette économie, ils passaient automatiquement dans une classe supérieure. Selon une enquête récente menée dans l’enseignement privé, les deux tiers des parents pensaient que le redoublement est une bonne chose, sachant que les trois quarts d’entre eux aimeraient que cela soit remplacé par autre chose. Un enfant qui redouble risque de perdre confiance en lui et de faire partie des décrocheurs.
Les solutions du Ministère
Pour parvenir à réduire les redoublements, Vincent Peillon veut relancer la politique des cycles. L’idée est que les acquisitions ne doivent pas être réalisées en une année scolaire mais sur trois ans. Selon le Ministre, donner plus de temps permet à tous les enfants de progresser à leur rythme.
On peut s’interroger sur cette grande idée et se demander où est le changement ? Les anciennes évaluations n’étaient-elles pas réalisées en fin de cycle, donc au bout de trois ans, ce qui permettait de vérifier les acquisitions sur une période triennale !
Si l’on s’investit réellement dans ce plan réussite et que l’on parle vraiment de refondation, peut-être y aura-t-il des avancées.
Réfléchir sur le système actuel
Dans ce cas, pourquoi ne pas affecter les milliards d’économies réalisés sur le redoublement à d’autres postes. Les classes sont hétérogènes et les enseignants devraient avoir les moyens de mener des politiques de pédagogie différenciée. Pour y parvenir, il faut agir sur la formation des enseignants et sur la réduction des effectifs par classe.
Il resterait malgré tout quelques élèves toujours en difficulté malgré cette nouvelle approche ; dans ce cas, un soutien interne personnalisé et individualisé permettrait d’éviter les décrochements.
Enfin, au lieu de vouloir systématiquement niveler le niveau des élèves par le bas, pourquoi ne pas envisager les cycles différemment. On parle toujours des élèves en difficulté, mais ce ne sont pas les seuls car on oublie ceux qui s’ennuient en classe parce que c’est trop facile pour eux. On n’envisage que des cycles de trois ans, pourquoi ne pas proposer une méthode plus souple avec des durées de cycles de deux, trois ou quatre ans ? Mais si l’on réalise le programme de trois ans en quatre, cela peut s’apparenter à un redoublement déguisé. Mais il faut être réaliste, tous les élèves ne sont pas égaux devant les apprentissages. En particulier, chez les plus jeunes, la maturité n’arrive pas au même âge, un enfant doit apprendre à devenir autonome. C’est ainsi que certains ne sont pas « mûrs » pour entrer au CP. De plus, un élément très important à prendre en compte à cet âge, est la grande différence de maturité pour un enfant né en janvier ou un enfant né en décembre, les deux entrant au CP la même année puisqu’une année civile ne coïncide pas avec l’année scolaire.
En conclusion, moins de redoublements pourquoi pas, mais à condition de ne pas se limiter à des considérations économiques. Il faut élaborer autre chose, de plus constructif, pour ne pas avoir à s’inquiéter d’une baisse dans les prochains classements de performances internationaux.