Ce qui change pour cette rentrée scolaire

Vincent Peillon se félicite des changements qu’il met en place pour cette rentrée. Il entrevoit un « rentrée apaisée » avec des réouvertures de classes, des remplacements mieux assurés, un accueil des moins de trois ans, plus de maîtres que de classes, de nouvelles activités pédagogiques, des aides administratives, une formation des maîtres.

Tout cela, c’est pour cette rentrée, pas pour 2025. Mais dans la réalité, qu’en est-il ?

La semaine de quatre jours et demi

L’objectif du ministre était de rétablir un retour à la semaine de 4 jours et demi sur deux ans, avec 50% des communes entrant dans le dispositif dès la première année. On est loin du compte, puisque seulement 22% des communes mettront en place ce nouveau dispositif. Pour les écoles privées, cette mise en place était facultative, pourtant une proportion équivalente passera à la semaine de 4 jours et demi, d’autant que les aides financières accordées seront les mêmes que pour les écoles publiques ; la loi Debré de 1959 s’applique toujours pour les aides de l’Etat envers les écoles privées, en précisant que celles-ci ont toutefois une plus grande liberté de fonctionnement.

La semaine de quatre jours et demi est sensée répondre aux rythmes chronobiologiques de l’enfant en faisant cours aux heures où les élèves sont les plus réceptifs, même si l’on sait que l’attention sera meilleure l’après-midi après 15h pour un élève de CM1-CM2 et que l’on va arrêter les activités scolaires à 15h30. Sur le terrain, il pourra en être autrement, car les communes doivent faire face à des contraintes de personnel, de locaux, de budget, si bien que les organisations vont se faire à la carte en fonction des moyens dont elles disposent. Même si, la plupart du temps, le mercredi sera travaillé (1% seulement pour le samedi matin), on peut trouver des répartitions différentes comme un ou deux après-midis plus courts. Ce n’est pas pour autant que la journée de l’enfant sera plus courte, si l’on additionne le temps passé à l’école et les activités périscolaires.

Plus de profs, mais aussi plus d’élèves

Le nombre de professeurs doit augmenter, avec 3000 créations dans le primaire (3800 dans le secondaire). Dans ces créations, il faut retirer 1000 postes consacrés aux remplacements. Dans le même temps, il y aura 30 000 élèves de plus dans le primaire et autant dans le secondaire. Si l’on s’en tient aux chiffres officiels qui indiquent une moyenne de 22,8 élèves par classe en élémentaire, on peut craindre qu’en définitive ce nombre augmente mathématiquement malgré ces nouvelles créations.

Aides administratives aux directeurs

10 000 personnels sont prévus pour aider les directeurs dans leurs tâches administratives. Mais il faut noter que sur les quelques 53 000 écoles primaires, près de 19 000 écoles ont moins de 4 classes et les directeurs ne bénéficient pas de décharges de classe.

Lutte contre l’échec scolaire

La nouveauté est de relancer la scolarisation des moins de 3 ans dans les zones défavorisées, dommage que cette scolarisation ne soit pas généralisée car elle pourrait s’avérer utile également. Le slogan « plus de maîtres que de classes » est excellent, mais pourra-t-il s’appliquer car dans les faits, il n’y a que 400 créations de postes cette année ; l’objectif paraît difficile à tenir quand on sait que la France compte plus de 53 000 écoles primaires, dont environ 20 000 écoles maternelles. Il y a des décennies, les syndicats œuvraient déjà pour « six maîtres pour cinq classes ».

Activités pédagogiques complémentaires

Les aides personnalisées (AP) disparaissent. Elles servaient à aider les élèves en difficultés, qui bénéficiaient alors d’activités par petits groupes avec les enseignants de l’école. Cela se passait souvent, ou pendant la pause méridienne, ou à partir de 16 heures, un ou plusieurs jours par semaine. Ces activités pouvaient être complétées par des « mini-stages » pris sur les vacances scolaires, avec l’accord des parents. Tout ceci va être remplacé par les activités pédagogiques complémentaires (APC), où les élèves en difficulté seront aidés, par petits groupes. En dehors de la dénomination, où va se situer le changement ?

Selon le décret de janvier 2013, « les activités pédagogiques complémentaires sont organisées par groupes restreints d’élèves :
1° Pour l’aide aux élèves rencontrant des difficultés dans leurs apprentissages.
2° Pour une aide au travail personnel ou pour une activité prévue par le projet d’école, le cas échéant en lien avec le projet éducatif territorial. »

Enfin, ces APC peuvent être placées en début ou en fin de demi-journée, selon une organisation proposée par le conseil des maîtres. Les communes pourront contribuer au bon déroulement, en proposant des intervenants extérieurs.

Les Espé

Espé non le début d’espérance, mais acronyme de Ecole supérieures du professorat et de l’éducation. Après la transformation des Ecoles normales en IUFM (Instituts universitaires de formation des maîtres) et leur suppression, on revient à la formation des enseignants. Tout métier s’apprend, et l’éducation ne s’improvise pas et ne se contente pas d’une transmission d’un savoir. C’est un métier de plus en plus difficile où les professeurs doivent faire face à beaucoup de situations pour lesquelles ils ne sont pas préparés quand ils débutent. Accueillir les enfants handicapés est peut-être une bonne chose, encore faut-il y être préparé. Gérer une classe, qui plus est dans des quartiers plus sensibles, demande des connaissances. On est loin des conseils pédagogiques d’Anne Roumanoff, donnés sous le ton de l’humour, mais ô combien réalistes.

Chaque académie va donc ouvrir une Espé lors de cette rentrée, avec les premiers professeurs formés pour la rentrée prochaine.

Numérique

De nouveaux services numériques seront lancés progressivement. Les anciens se souviennent certainement de la radio scolaire ou de la télévision scolaire. Ces documents aidaient grandement. Aujourd’hui, c’est le numérique qui prend la place, dans un monde que connaissent bien les enfants. Des films d’animation, des ressources pédagogiques ou du soutien en ligne pour 30 000 élèves de l’éducation prioritaire seront proposés, y compris des modules de formation pour les professeurs. On est encore bien loin de l’enseignement individualisé via le numérique comme dans certaines écoles des Pays-Bas, mais il semblerait que l’école tente de rattraper son époque !

Conseil école-collège

Ils doivent se mettre en place progressivement à partir de septembre. Sous quelle forme ? Est-ce le début de la modification des cycles où le cycle 3 englobe la sixième ? Et ainsi faciliter le passage d’un maître unique à plusieurs professeurs et plusieurs salles de classe ?

Orientation

Six régions pilotes (Aquitaine, Rhône-Alpes, Bretagne, Centre, Limousin et Pays de Loire) vont expérimenter sur trois ans une nouvelle orientation en fin de troisième, orientation qui permet aux parents d’imposer leur choix.

C’est pour plus tard

Les professeurs critiquaient les programmes, ils devraient désormais être consultés mais sans espoir de changement avant 2015.

L’assouplissement de la carte scolaire devrait être corrigé.

L’enseignement d’une langue vivante au CP sera mis en place plus tard. Mais quand ? Pourtant, je me souviens avoir dirigé une école où au CP l’anglais était enseigné il y a une quinzaine d’années ; tout dépend de ce que l’on appelle enseigner. Quel est également le devenir de ces écoles où l’on expérimente le bilinguisme dès le CP ?

Même si l’affichage de la charte laïque est prévu pour cette rentrée, l’enseignement de la morale laïque est loin d’être programmé. Il me semble avoir toujours entendu de la bouche des inspecteurs de l’éducation nationale que ce qui était affiché dans les classes ne devait pas être purement décoratif, mais servir aux élèves.

Des réactions rencontrées ici et là

Comment ne pas comprendre ce vieil instit à la retraite rappelant « je fais classe et les ministres passent ».

Où ceux qui disent « Evidemment que Vincent Peillon se félicite, puisqu’il est l’auteur de la réforme », ou « Vincent Peillon ne se rend même pas compte du bazar qu’il a fichu avec les rythmes scolaires, surtout pour les petites communes. »

Ou encore « Dans les années 60/70 et jusqu’à la fin du collège unique, la réussite scolaire n’était pas « pour tous » mais tous les élèves sortaient du système scolaire en sachant lire et écrire et muni de compétences qui leur donnaient une chance sur le marché du travail ». Et même à la fin des études de ceux qui sont titrés, on constate des fautes jusque dans la rédaction de thèses !

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