Orthographe : une réforme qui n’en est pas une

Fév 15

Depuis plus d’une semaine, on peut lire dans tous les médias que l’orthographe (ou « peutetre l’ortografe ») sera réformée dès la rentrée 2016 et les manuels scolaires seront mis à jour à tenant compte des modifications.

Et pourtant, aucune décision n’aurait été prise, ni par la ministre de l’Education nationale, ni par le Conseil supérieur des programmes et encore moins par l’Académie française.

L’Académie française n’approuve pas la réforme

L’Académie française n’a jamais validé une telle réforme. Elle s’en est expliquée dans un entretien au Figaro samedi 13 février, par la voix d’Hélène Carrère d’Encausse « Je n’ai pas compris les raisons qui expliquent l’exhumation d’une réforme de l’orthographe élaborée il y a un quart de siècle et où l’Académie française n’a eu aucune part, à l’inverse de ce que l’on a voulu faire croire ».

L’origine de cette soi-disant réforme remonte à 1990, à l’époque où Michel Roccard, alors premier ministre, avait sollicité le Conseil supérieur de la langue française pour proposer quelques « rectifications » de la langue. L’Académie française, par son secrétaire perpétuel de l’époque, Maurice Druon, avait approuvé ces modifications et publié un avis sur les « anomalies » de la langue : quelques traits d’union ou certains accents circonflexes. Ce n’étaient alors que des recommandations dont l’Education nationale n’avait pas vraiment tenu compte, jusqu’en 2008 où le ministre de l’Education nationale Xavier Darcos publie au BO « l’orthographe révisée est la référence ». Mais en tenir compte ne signifie pas que cela revête un caractère obligatoire.

Réforme de l’école et du collège, le BO du 26 novembre 2015 note en préambule « Les textes qui suivent appliquent les rectifications orthographiques ».

Ces modifications de langue, imaginées il y a un quart de siècle, n’ont guère eu d’écho auprès des Français. Hélène Carrère d’Encausse insiste « La position de l’Académie n’a jamais varié sur ce point : une opposition à toute réforme de l’orthographe, mais un accord conditionnel sur un nombre réduit de simplifications qui ne soient pas imposées par voie autoritaire et qui soient soumises à l’épreuve du temps ». « Il est donc absurde de ressortir aujourd’hui cette réforme ».

Un débat qui masque la réalité

Tant qu’on parle de cette réforme, on détourne l’attention des Français.

Notre système éducatif s’effondre. Il suffit pour s’en rendre compte en observant les résultats de nos élèves dans les classements internationaux (PISA par exemple). Quand va-t-on inverser la courbe ? Ce ne sont pas uniquement les résultats en français, mais bien plus en mathématiques. Comment peut-on résoudre un problème quand on a des difficultés de lecture ?

Pour rappeler Hélène Carrère d’Encausse « Je dirais que la tragédie française est une inégalité croissante, née de l’effondrement de notre système éducatif ». Ce dernier « doit être reconstruit en fonction de cet impératif d’égalité ».

De la volonté, de l’ambition

Il faut cesser de tout vouloir simplifier, faciliter, aseptiser.

On voudrait que les élèves s’amusent en classe, ne s’ennuient pas. On leur mâche le travail, on supprime les difficultés de la langue pour leur éviter de se tromper. Mais leur rend-on service ? Les plus grands sportifs, les plus grands musiciens, les plus grands artistes s’amusent-ils toujours ? Combien d’heures de répétitions, de sueur, de souffrance passent-ils avant d’obtenir de bons résultats ? L’école devrait se poser les bonnes questions, pas les professeurs qui font le travail qu’on leur demande, mais ceux qui leur imposent leurs directives !

En prenant du recul, un siècle en arrière, il nous suffit de relire ces lettres rédigées par tous ces soldats au front : bien écrites, pas ou peu de fautes d’orthographe ou de grammaire. Et pourtant, ils n’avaient pas tous fait de hautes études. Mais à cette époque, on apprenait, on avait le goût de l’effort.

Si l’on veut savoir écrire, il faut commencer par lire, et lire à haute voix. Il faut apprendre les règles, les répéter, les appliquer. Qui ne se souvient pas des exercices du BLED par exemple ? On ne veut plus d’apprentissage par cœur et pourtant cela permet de mémoriser, de « photographier » les choses. Toutes ces longues récitations que l’on apprenait, ces extraits de pièces de théâtre que l’on apprenait et jouait en classe. Les anciens se souviendront également de ces petits résumés d’histoire que l’on apprenait par cœur, au lieu de se contenter de lecture de documents que l’on ne lit même plus tant ils sont envahis d’images.

Ce n’est pas être passéiste que de rappeler ces tristes réalités. Il faut se mettre au travail, sachant que rien ne s’obtient sans effort. Alors, peut-être pourra-t-on dire qu’il  y aura moins d’un élève sur cinq qui quitte l’école sans savoir lire. Inquiétant, mais malheureusement réel. Madame la ministre, l’égalité des chances, ce n’est pas un nivellement par le bas, mais une réelle ambition de vouloir la Réussite pour tous.

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